Testo in Italiano "L'EUROPA CHE VOGLIAMO"Chers camarades, chers amis,
Il est difficile de parler de l’avenir de l’Europe sans tenir compte, avant tout, du moment crucial et dramatique que traversent les relations internationales et l’histoire mondiale.
Au cours de nombreuses années, nous avons subi la domination de la pensée unique néo-libérale et la mondialisation a été accompagnée d’une idéologie qui a prêché la fin de la politique, en alimentant pour ce faire l’illusion que le marché et l’économie nous auraient livré le meilleur des mondes possible.
Avec le 11 septembre 2001, le scénario s‘est profondément modifié. Le terrorisme international a rendu évident, même aux yeux des citoyens des pays les plus riches, le fait qu’une mondialisation sans gouvernement génère des conflits et des contradictions très graves. C’est ainsi qu’a grandi l’incertitude quant aux perspectives de l’économie mais que surtout s’est répandue la peur de l’avenir.
La crise néo-libérale n’a donc pas engendré seulement des espoirs et de nouvelles occasions, comme le prouve la victoire de Lula au Brésil, mais également le danger d’un retour vers le nationalisme et la fermeture culturelle ou vers l’illusion tragique que les contradictions et les problèmes puissent être maîtrisés par le recours indiscriminé à la guerre.
Par contre, un besoin authentique de politique, de culture, de légalité internationale se fait sentir qui ne saurait être satisfait uniquement par l’utilisation de la force ni encore moins par la politique de puissance mise en œuvre par un seul pays, pour aussi puissant qu’il soit, les Etats-Unis.
Le projet socialiste pour l’Europe doit partir de ce scénario. Nous avons besoin d’une Europe plus forte, d’une Europe politique, d’un acteur global authentique sur la scène internationale.
Le monde en a besoin, et pas seulement les Européens.
L’Italie et la gauche italienne ont toujours été favorables à l’élargissement de l’Union, à ce processus de véritable réunification démocratique de l’Europe qui est l’aboutissement incontournable du tournant décisif amorcé en 1989.
En même temps, l’élargissement doit aller de pair avec un renforcement des institutions communes, sous peine de courir le risque, si souvent évoqué, de mettre en place une Europe réduite à une zone de libre échange.
Voilà pourquoi le succès de la Convention s’impose ; en d’autres termes, la possibilité que l’unité européenne puise un nouvel élan et une nouvelle légitimité dans un véritable « pacte constitutionnel » et dans la création d’institutions plus robustes et légitimées.
Il ne me semble guère que jusqu’à présent le résultat de la Convention soit à la hauteur de cet impératif. La proposition franco-allemande elle-même d’une double présidence, pour autant qu’elle réponde à l’exigence d’assurer une plus grande stabilité au fonctionnement du Conseil, risque cependant de créer un dualisme et d’affaiblir le rôle de la Commission.
En d’autres termes, même s’il apparaît évident que les institutions européennes continueront à assurer l’équilibre entre structures communes et structures intergouvernementales, j’estime pour ma part que les socialistes devraient, avec plus de courage, proposer de déplacer cet équilibre en faveur des institutions communautaires : le Parlement et la Commission européenne.
Le mouvement socialiste a pendant un siècle lié son destin à celui des Etats nationaux et force nous est de reconnaître que, pendant une longue période, la gauche a adopté une attitude méfiante envers l’intégration politique de l’Europe.
Vis-à-vis de l’Europe a prévalu parmi nous une sorte de « oui, mais », comme pour exprimer, presque, l’inquiétude de voir l’intégration politique et le marché unique risquer de limiter les acquis sociaux de chacun de nos pays.
Aujourd’hui cette attitude doit être abolie dès lors que seule une forte intégration politique peut nous permettre de défendre les valeurs de la paix et de la sécurité, du progrès économique et des droits sociaux.
Il suffit de penser à la crise irakienne pour comprendre à quel point s’impose le besoin d’une Europe intégrée, forte, qui compte davantage sur la scène mondiale.
De même qu’il est toujours plus évident que les grandes conquêtes du marché et de la monnaie uniques réclament une coordination des politiques économiques et fiscales, un modèle social et une intégration des programmes d’investissement dans les secteurs de l’innovation et des nouvelles technologies. Sinon, nous courons le risque d’une involution, même par rapport au niveau d’intégration atteint jusqu’à ce jour.
Autant de raisons qui militent en faveur de l’unité politique de l’Europe qui doit représenter non seulement un objectif à atteindre mais l’un des idéaux du socialisme moderne. Une bannière pour tous ceux qui sont convaincus que si la mondialisation de la finance et de l’économie n’est pas accompagnée d’une « politique globale », elle ne fera qu’accentuer les injustices et les inégalités, qu’engendrer l’insécurité et l’angoisse de l’avenir.
Il est possible, et nécessaire, dans cette perspective de développer le dialogue avec d’autres courants progressistes en Europe, au-delà de toute revendication d’autosuffisance politique et culturelle, tout en évitant le risque d’un isolement du mouvement socialiste.
Giuliano Amato et moi-même avons exposé ce problème dans une lettre ouverte au PSE.
Peut-être - comme l’a écrit Pierre Moscovici - ce texte a-t-il donné l’impression que nous voulions « italianiser » le paysage politique européen, presque comme si nous entendions projeter dans une dimension européenne l’expérience italienne de l’Olivier, avec ses opportunités et ses problèmes.
Mais il n’en est rien. Nous savons fort bien qu’il existe des réalités très diverses.
Cependant, au cours de ces dernières années, nous avons assisté à une crise du « centrisme européen » traditionnel, avec la transformation du PPE en une formation plus clairement conservatrice, une sorte de rassemblement de partis de la droite.
D’autre part, au fil de cette dernière décennie, le Parti du Socialisme Européen lui-même a modifié en partie son profil dès lors qu’il a accueilli de nouvelles forces après la crise du communisme et à la suite du processus d’élargissement de l’Union.
Dans différents pays européens, nous percevons la possibilité d’étendre nos alliances vers des forces libérales-démocratiques, d’inspiration chrétienne et religieuse, environnementalistes. Vers les nouveaux mouvements de la société civile, à partir de celui des jeunes qui critiquent la mondialisation.
Nous avons mesuré en même temps les dommages causés par une fragmentation politique excessive dans la zone de la gauche et du centre-gauche, comme il est clairement apparu lors des dernières élections en Italie et en France. Nous sommes partis de ces considérations pour indiquer la perspective d’une nouvelle maison pour tous les réformismes européens ; une nouvelle famille politique, capable d’unir des énergies diverses autour d’un projet de renouvellement social et d’unité politique de l’Europe.
Je comprends que d’aucuns puissent y voir aujourd’hui une fuite en avant au moment où nous rencontrons des difficultés à faire vivre et fonctionner notre PSE lui-même. Mais le sens de notre position est de lancer un processus politique et non pas d’imposer une formule organisationnelle qui, aujourd’hui, ne serait certainement pas mûre.
Il n’empêche que le processus de rassemblement des forces progressistes peut, et doit, être poursuivi avec courage, dans un esprit unitaire et d’ouverture culturelle. Il ne faut voir dans cette détermination aucune renonciation à la fonction idéale du socialisme européen, mais au contraire la relance de sa vocation la plus authentique : la vocation à l’unité et au renouvellement social.
C’est donc à nous qu’il revient - au Parti du Socialisme Européen - de nous faire les promoteurs, avec une plus grande ouverture et un plus grand courage, du projet qui représentera l’un des enjeux majeurs des prochaines années.
Je vous remercie de votre attention.